Rossini et Offenbach au Lion d’or
3 mai 2015 | |
15 h 30 min | |
Montréal, Canada | |
Cabaret Le Lion d'Or | |
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Julien Patenaude, Direction musicale
André Lafrance, Direction artistique
Rosalie Asselin, piano
Conseil d’administration
Yannig Thomas, président
Michèle Larose, vice-présidente
Yves Keller, trésorier
Thérèse Desjardins, secrétaire
Isabelle Wilbaux, conseillère
Rossini et Offenbach au Lion d’or
Gioacchino Rossini (1792-1868)
Petit caprice (dans le style d’Offenbach) pour piano no 6, Péchés de vieillesse, vol. X : Miscellanée pour piano
Il carnevale di Venezia (1821)
Quartetto pastorale (1824?)
I gondolieri, Péchés de vieillesse, vol. I : Album italiano
Dall’Oriente l’astro del giorno, Ermione (créé en 1819), acte I
Toast pour le Nouvel An, Péchés de vieillesse, vol. II : Album français
Ave Maria, Péchés de vieillesse, vol. III : Morceaux réservés
Entracte
Jacques Offenbach (1819-1880)
La vie parisienne (1866), finale de l’acte I
Robinson Crusoé (1867), acte II, 2e tableau, choeur dansé
Les contes d’Hoffmann (1881), acte II, scène I, entracte et barcarolle
La grande-duchesse de Gerolstein (1867), acte I, no 4
Barbe-Bleue (1866), acte I
Choeur de la loterie
Récit et couplet de la Rosière
La Périchole (1868), acte III
Choeur des patrouilles
Ariette-valse des trois cousines
Ensemble
Orphée aux Enfers (1858), acte IV
Choeur infernal, 4e tableau
Menuet et galop
Notes de programme
(par Dominique Boucher (soprano))
Rossini et Offenbach
Pour qui s’intéresse à l’histoire des mentalités, le xixe siècle dégage une aura de sérieux, voire d’austérité. Comment s’en étonner? La Révolution française de 1789 a certes montré avec éclat que les idées de progrès et de liberté pouvaient soulever les foules, mais elle allait dévorer ses enfants. La Révolution industrielle du siècle naissant arrache paysans et artisans à leurs modes de vie traditionnels, les livrant en pâture aux forces d’un capitalisme débridé.
Bref, après tant d’espérances foulées aux pieds, le désenchantement règne. Le monde des arts, y compris la musique, n’échappe pas à la morosité ambiante. Désormais, le monde musical sera ombrageux et tourmenté ou il ne sera pas.
Tout le monde musical? Non, une ville résiste encore et toujours à ce pessimisme. Paris, encore et toujours, est une fête, malgré les soubresauts politiques, malgré les vagues de répression. À Paris, l’opéra demeure un genre florissant. Le public se délecte de ses prouesses vocales, de ses ballets, de ses ressorts dramatiques ou comiques… Tant d’effervescence ne manquera pas d’attirer de jeunes compositeurs de toute l’Europe. Témoin Rossini et Offenbach.
Gioacchino Rossini naît à Pesaro, ville de la côte orientale de l’Italie, le 29 février 1792. Quoique d’origine modeste, le jeune Rossini baigne dans la musique. En effet, si son père est inspecteur de boucherie, il joue aussi de la trompette dans l’orchestre municipal. Lorsque ce dernier perd son poste, en raison de son appui sans équivoque aux idéaux de la Révolution française, la mère de Gioacchino s’engage comme chanteuse dans un théâtre de Bologne.
C’est justement à Bologne que Rossini fait ses études de musique. Initié au chant et à l’épinette (sorte de clavecin) puis au violoncelle, ses études au Liceo musicale de Bologne lui permettent d’étudier dès quatorze ans les œuvres de Haydn et de Mozart. Son enthousiasme pour leur musique lui vaut même le surnom de Tedeschino (petit Allemand).
L’adolescent a tôt fait d’enchaîner les opéras. Âgé de vingt ans à peine, il peut se targuer d’avoir vu trois de ses œuvres mises en scène. Un an plus tard, leur nombre atteint dix. Des années durant, Rossini ne ralentira pas la cadence. Il s’illustrera tant dans l’opera seria que dans l’opera buffa. Si sa carrière est ponctuée d’échecs retentissants, il connaît aussi des succès éclatants qui assureront sa fortune : Il barbiere di Siviglia, La gazza ladra, Otello… Le sacre du roi Charles X l’attire définitivement à Paris, où il donne en 1825 Le voyage à Reims pour marquer l’événement. Guillaume Tell, créé en 1829, est son chef-d’œuvre, par sa fusion du lyrisme et de l’harmonie savante. Mais c’est aussi son dernier ouvrage lyrique, la révolution de 1830 lui faisant perdre la protection du roi.
Rossini a trente-sept ans. Il a accumulé suffisamment d’argent pour ne plus avoir à se soucier de son avenir. Il choisit de ne plus composer qu’à son propre rythme, au gré de sa fantaisie, des musiques destinées à son entourage. De cette vaste production sera tirée toute une série de recueils, les Péchés de vieillesse, en quatorze volumes, publiés après sa mort. Les Péchés sont pour piano solo, petit ensemble vocal, etc. Nous y avons bien sûr puisé plusieurs des pièces présentées ici. À quoi s’ajoutent quelques œuvres, notamment Il carnevale de Venezia (composé en 1824) et, oui, un extrait d’opéra. Il s’agit du chœur Dall’Oriente l’astro del giorno, tiré d’Ermione, opéra basé sur l’Andromaque de Racine.
Nul mieux que Jacques Offenbach n’illustre la fête perpétuelle qui semble s’être emparée de la scène musicale parisienne sous le Second Empire. Or, celui qui est né Jacob Offenbach n’est pas Français par sa naissance, mais Allemand. Parce qu’il se révèle doué pour le violoncelle, son père envoie l’adolescent de quatorze ans étudier au Conservatoire de Paris, en 1833. En effet, à l’époque, il n’y a guère qu’à Paris qu’un musicien juif peut espérer faire carrière.
Jacob, qui francise bientôt son nom en Jacques, s’affranchit bien vite de la lourde discipline du Conservatoire. Au bout d’un an, il se joint à l’orchestre de l’Ambigu-Comique puis à celui de l’Opéra-Comique tout en poursuivant une carrière de soliste virtuose. Mais l’appel de la scène est irrésistible. D’abord directeur musical de la Comédie-Française, en 1847, il crée en 1855 les Bouffes-Parisiens, afin d’y faire exécuter ses œuvres. Avec l’aide de ses librettistes, en particulier Henri Meilhac (1830-1897) et Ludovic Halévy (1834-1908), il crée un genre : l’opéra-bouffe français. Entrecoupé de dialogues parlés et résolument bouffon, l’opéra-bouffe n’en est pas moins musicalement ambitieux. On n’est pas l’émule de Rossini et de Mozart pour rien!
Pendant quinze ans, Offenbach connaîtra succès sur succès : Orphée aux Enfers, La belle Hélène, La vie parisienne et tant d’autres datent de cette époque. Mais la guerre franco-prussienne de 1870 lui porte un coup très dur : les Français le soupçonnent d’espionnage, les Allemands voient en lui un traître. Quand, un an plus tard, il se remet enfin au travail, il se bute à l’échec. À Paris, l’humeur n’est plus à la bouffonnerie. Aussi se tourne-t-il vers un nouveau genre de son invention, l’opéra-bouffe-féerie. Le roi Carotte et d’autres dans la même veine attirent les foules. Hélas, la débauche de moyens déployés est ruineuse. En 1875, Offenbach est acculé à la faillite.
Jamais à bout de ressources, Offenbach parvient une fois de plus à se réinventer grâce, notamment, à son opéra-comique La fille du tambour-major (1879). Il s’attelle à la composition des Contes d’Hoffmann, où il recycle certaines de ses propres compositions. Ainsi, la célèbre barcarolle Belle nuit, ô nuit d’amour reprend le Chant des elfes de son opéra romantique Les fées du Rhin. Malheureusement, Offenbach n’assistera jamais à la création des Contes. Il meurt en octobre 1880 sans avoir pu en achever l’orchestration. Le compositeur Ernest Guéraud (1837-1892) s’en chargera, assurant ainsi sa pérennité.