
Mozart Requiem
10 mai 2014 | |
19 h 30 min | |
Montréal, Canada | |
Cathédrale Christ Church de Montréal | |
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Vêpres solennelles d’un confesseur, KV 339
Dixit
Confitebor
Beatus vir
Laudate pueri
Laudate Dominum
Magnificat
ENTRACTE
Requiem en ré mineur, KV 626
Introitus : Requiem æternam
Kyrie
Sequentia I : Dies iræ
Sequentia II: Tuba mirum
Sequentia III : Rex tremendæ majestatis
Sequentia IV : Recordare
Sequentia V: Confutatis
Sequentia VI: Lacrimosa
Offertarium I: Domine Jesu
Offertarium II : Hostias
Sanctus
Benedictus
Agnus Dei
Communio : Lux æterna
Notes de programme
(par Dominique Boucher (soprano))
Depuis des siècles, le compositeur de musique sacrée est placé devant une sorte de dilemme : dans la mesure où celle-ci se veut une manifestation de la foi religieuse, sa fonction n’est pas de toucher l’auditoire, mais de préparer le fidèle à la présence de Dieu. Pas étonnant, dans ces conditions, que les différentes Églises chrétiennes aient régulièrement exigé des compositeurs qu’ils privilégient la clarté du texte et le dépouillement des lignes musicales.
Pourtant, tous ces psaumes, tous ces motets fondés sur les récits évangéliques, par leur ferveur, l’éternelle oscillation entre espérance et désespoir qu’ils expriment, traduisent une vaste palette de sentiments. Comment un matériau aussi riche pourrait-il s’accommoder de formes rigides peu à même de traduire le sens affectif des textes utilisés?
Depuis la Renaissance, l’Église catholique a généralement composé avec ce dilemme en distinguant les œuvres expressément destinées aux services religieux, le plus souvent chantées a cappella ou accompagnées à l’orgue, et une musique spirituelle qui, certes, a sa place à l’église, mais n’a pas pour fonction de soutenir le rituel.
Pour l’essentiel, la musique sacrée de Mozart (1756-1791), messes comprises, n’est pas destinée aux offices religieux. L’ampleur des effectifs qu’elle appelle, le contrepoint raffiné, les souples vocalises, les chromatismes poignants, toutes ces ressources propres au baroque italianisant en vogue dans la seconde moitié du xviiie siècle que Mozart a su porter à leur sommet, l’excluent. En effet, dès sa jeunesse, et plus encore dans ses compositions postérieures, Mozart n’a pas craint de tirer tout le parti que recelaient les textes qu’il mettait en musique. Au point qu’il n’hésitera pas à confier à la comtesse des Noces de Figaro (1786) une aria calquée sur l’Agnus Dei pour soprano de sa Messe du couronnement (KV 317) de 1779.
Cette dernière anecdote, qui lui aura valu d’être taxé de frivolité, jointe au fait qu’avant le Requiem de 1791, Mozart n’a presque plus touché à la musique d’église dès qu’il s’est affranchi des liens avec son employeur, le prince-archevêque de Salzbourg Hieronymus von Colloredo, en 1781, a pu faire croire que Mozart avait au fond peu de goût pour la musique religieuse. Il est incontestable qu’une fois établi à Vienne, le compositeur se vouera à ce qui aura sans doute été, avec le concerto, sa plus grande passion : l’opéra. Mais du fait que Mozart n’a écrit de musique religieuse que par obligation, on aurait tort de conclure à une indifférence chez lui pour ce genre. Tout indique, au contraire, que lorsque Mozart a reçu la commande d’un Requiem, il ne l’a pas acceptée seulement parce que la rémunération promise était alléchante. Il a saisi l’occasion avec enthousiasme parce que, depuis des années, il souhaitait renouveler un art figé. À cet égard, une messe des morts offrait un potentiel extraordinaire.
On aura deviné à ce qui précède que les Vêpres solennelles d’un confesseur (KV 339), de 1780, ont été composées à Salzbourg à l’époque où Mozart était toujours au service de Colloredo. Le titre tracé sur la partition originale n’est pas de la main de Mozart. Il a été ajouté pour distinguer l’ensemble d’un autre de structure très semblable, les Vêpres solennelles du dimanche, KV 321, écrit l’année précédente. Faute d’indices, on ignore qui est ce « confesseur » auquel renvoie le titre. Tout ce qu’on peut dire, c’est que l’œuvre devait être donnée non pas un dimanche ordinaire, mais pour marquer la fête d’un saint confesseur, autrement dit, qui n’est pas mort martyr. Quant à l’épithète de « solennelles », elle signifie que l’effectif instrumental est important. De fait, le manuscrit prévoit deux violons, un orgue, deux trompettes, une timbale et une basse.
Comme toutes les compositions du genre, les Vêpres comprennent cinq psaumes suivis d’un Magnificat. Avant 1779, Mozart ne s’y était jamais attaqué, à l’exception d’un Dixit et d’un Magnificat de 1774, assez convenus. Si les Vêpres de 1779 témoignent déjà d’une liberté accrue, sur le plan tonal, notamment, le trait est plus flagrant dans les Vêpres solennelles d’un confesseur. Le compositeur n’hésite pas à tabler sur les ressources dramatiques du texte, tantôt tendre, tantôt joyeux. Seul le Laudate pueri se démarque par son hiératisme en ce qu’il se fait l’écho d’un thème de fugue qu’on retrouve chez Bach et Haendel. Du reste, Mozart lui-même retravaillera ce matériel dans le Kyrie du Requiem.
À quelles sombres légendes cette ultime composition religieuse de Mozart n’a-t-elle pas donné lieu! Une messe des défunts dont la composition est brutalement interrompue par la mort de son auteur et dont le commanditaire, en juillet 1791, entend rester anonyme, voilà, en effet, de quoi exciter l’imagination. On sait aujourd’hui, et peut-être Mozart le savait aussi, que ce commanditaire était le comte Franz de Walsegg, dont la femme venait de mourir. À l’image de bien des aristocrates férus de musique de la société viennoise, le comte espérait marquer le premier anniversaire de la mort de sa femme par l’exécution d’un Requiem dont il aurait revendiqué la paternité (un procédé, au demeurant, dont nul n’était dupe).
La suite est moins claire. Il semble que le Requiem ait été composé en trois temps. D’abord, Mozart a noté seul les parties vocales et instrumentales de l’introït du Requiem, sautant le Kyrie, pour ensuite enchaîner la séquence jusqu’à la fin du Rex tremendæ. Il s’est plus tard attaqué à la fugue du Kyrie et a poursuivi la séquence jusqu’au Confutatis, se contentant toutefois d’indiquer l’instrumentation. Du Lacrimosa, il ne notera que les premières mesures, avant d’être emporté par la maladie.
On le voit, il restait un travail considérable. Constance Weber, la veuve de Mozart, fut donc contrainte de faire appel à d’autres compositeurs afin que le contrat soit honoré. Son choix s’arrêta d’abord sur Joseph Eybler (1765-1846), qui, sur la foi des annotations de Mozart, termina l’orchestration du Dies iræ jusqu’à la première strophe du Lacrimosa. Mais, pour des raisons inconnues, il abandonna la tâche. Constance se tourna alors vers un autre élève de son mari, Franz Xaver Süssmayr (1766-1803). Ce dernier, s’appuyant sur des annotations de ses prédécesseurs, et peut-être avec le secours de Maximilian Stadler (1748-1833), acheva l’orchestration, termina le Lacrimosa et, enfin, composa les parties manquantes de la messe. Cependant, pour la communion finale (Lux æterna), il jugea plus à propos de reprendre la musique de l’introït et d’enchaîner avec la fugue que Mozart avait composée pour le Kyrie.
D’autres solutions ont été tentées depuis. Reste que c’est sous cette forme que le Requiem nous est parvenu. Au vu de la postérité dont elle jouit, il nous est apparu que la version de Süssmayr ne déméritait pas et qu’elle constituait un finale digne de marquer nos vingt-trois saisons avec Gilbert Patenaude.