Lux Aeterna – Dix siècles de requiem en lumière
19 avril 2019 | |
19 h 30 min | |
Montréal, Canada | |
Église Sainte-Bibiane | |
Google Map |
Julien Patenaude, Direction musicale
André Lafrance, Direction artistique
Christophe Gauthier, orgue
Julie Triquet, violon
Ariane Bresse, violon
QUARTOM
Julien Patenaude, baryton
Benoit Le Blanc, baryton
Antonio Figueroa, ténor
Philippe Martel, baryton-basse
Conseil d’administration
Yannig Thomas, président
Manon Riopel, vice-présidente
Yves Keller, trésorier
Valérie Dostaler, secrétaire
Lux Aeterna: Dix siècles de Requiem en lumière
- Introit de la Missa pro defunctis, Grégorien
- Introitus et Kyrie : Requiem aeternam de Luigi Cherubini (1760-1842)
- Osanna XIII de la Messe de Requiem en do mineur ZWV 45 de Jan Dismas Zelenka (1679-1745)
- Missa pro defunctis et Kyrie de Antonio Lotti (1667-1740)
- Messe des Morts 13 Confutatis de François- Joseph Gossec (1734-1829)
- Messe de Requiem 6 Agnus Dei de André Campra (1660-1744)
- In paradisum Grégorien
Intermède avec Quartom
Messe des morts de Tomas Luis de Victoria (1548-1611)
Requiem Hostia de Hector Berlioz (1803-1869)
- Requiem aeternam du Requiem de John Rutter (né en 1945)
- Dies irae du Requiem de Charles Gounod (1818-1893)
- Lacrimosa du Requiem do min. ZWV 45 de Jan Dismas Zelenka (1679-1745)
- Sanctus Requiem op. 54 de Camille Saint-Saëns (1835-1921)
- Agnus Dei du Requiem de Maurice Duruflé 1902-1986)
- Domine Jesu Christe extrait : Quam olim Abrahae du Requiem de Franz von Suppé (1819-1895)
Rappel
Requiem K. 626 Lacrimosa de W. A. Mozart
Notes de programme
(Dominique Boucher (soprano))
Lux aeterna – Dix siècles de requiem en lumière
Ni le soleil ni la mort ne peuvent se regarder en face, veut la maxime. Et cependant, quelque sentiment que notre fin nous inspire, la mort est là, à l’horizon. Nous fera-t-elle basculer dans le néant ? Ou est-elle ce havre où nous serons enfin soustraits à la souffrance et à l’injustice ? De quoi, s’il existe, l’au-delà sera-t-il fait ? Un Dieu ombrageux nous y attend-il, résolu à punir nos fautes ? Ou un père aimant nous tend-il les bras ? À ces questions, le chrétien le plus assuré n’échappe pas. La messe des morts en témoigne, où se font entendre tour à tour l’angoisse, voire la terreur, et l’espérance en une communion.
Le texte du Requiem, ou Mort des fidèles défunts, a évolué au fil des siècles. Toutefois, c’est lors du concile de Trente, au milieu du xvie siècle, qu’il s’est pour la première fois fixé en un corpus uniforme. C’est à ce texte, que nous reproduisons ici, qu’ont puisé pour l’essentiel les compositeurs. Quitte à pratiquer des coupes pour ne retenir que les passages les plus poignants, les plus tendres ou les plus terrifiants. Quitte à reprendre quelque motet que le concile avait écarté, tel l’In paradisum, destiné à accompagner le corps conduit à sa dernière demeure.
Le chant grégorien, ou plain-chant, qui a atteint son apogée vers l’an mil, a longtemps été le seul pratiqué dans les églises. Parce qu’il est monodique – toutes les voix chantent à l’unisson –, a cappella et qu’il cherche à épouser souplement le texte latin, le plain-chant a longtemps eu la faveur des autorités ecclésiastiques. Le xve siècle, toutefois, a vu naître les premiers Requiem polyphoniques. Ceux-ci resteront cependant d’une facture sobre, ainsi qu’il convient pour un ouvrage destiné à la liturgie.
Mais avec le développement de la polyphonie puis la naissance de l’opéra, on assistera à une amplification progressive des moyens mis à la disposition de la musique sacrée. Les instruments vont se joindre aux voix, les effectifs vocaux vont s’étoffer, des solistes vont s’attaquer à des morceaux de plus en plus vertigineux et éblouissants. Ce que l’on gagnera en richesse musicale, toutefois, on le perdra sur le plan liturgique. L’ampleur des pièces et le nombre important des exécutants, qui peuvent se compter par centaines, rendront impraticable l’exécution de tels Requiem lors d’obsèques religieuses.
Le Requiem en do mineur de Luigi Cherubini (1760-1842) ne s’inscrit pas dans cette tendance. Florentin de naissance, mais Français d’adoption, Cherubini signe en 1816 à la demande de Louis XVIII, dont il dirige alors la chapelle royale, ce Requiem pour chœur à quatre voix afin de commémorer la mort de Louis XVI sur l’échafaud. L’ouvrage, donné pour la première fois en 1817, reçoit un accueil favorable, notamment de Beethoven. Il sera du reste repris en 1820, cette fois pour marquer l’assassinat du duc de Berry. Mais il suscite l’ire de l’archevêque de Paris, qui déplore le recours à des voix féminines.
Né en Bohême (dans l’actuelle République tchèque), Jan Dismas Zelenka (1679-1745) a pendant quelques siècles sombré dans l’oubli, notamment, murmure-t-on, parce que son patron, Auguste, prince-électeur de Saxe, aurait veillé à empêcher son maître de chapelle de rayonner pour qu’il n’ait pas à se passer de ses services. Cependant, une lettre de Carl Philipp Emanuel Bach, fils de Johann Sebastian, nous apprend que son père tenait Zelenka en haute estime, admirant tant sa maîtrise technique que son inventivité. On ne connaît malheureusement pas la date de composition du Requiem en do mineur, dont nous proposons ici l’Osanna et, en deuxième partie, le Lacrymosa.
De même, pour des raisons d’ordre stylistique, on peine à dater le Kyrie de la Missa pro defunctis d’Antonio Lotti (1667-1740), étroitement lié à la basilique Saint-Marc de Venise. La messe, a cappella, est de facture traditionnelle, ce en quoi elle se distingue de bien d’autres cantates et messes du compositeur, où il use volontiers des mêmes ressources dramatiques que dans ses opéras.
En revanche, François-Joseph Gossec (1734-1829), considéré avec Joseph Haydn comme l’inventeur du genre symphonique, n’hésite pas à user d’une débauche de moyens pour donner tout le retentissement voulu à sa Messe des morts. Faisant une heure et demie, la Messe fait appel, outre quatre solistes, à un orchestre et à un chœur de taille conséquente. Dès sa création à Paris, en 1761, les spectateurs lui font un triomphe.
Singulier personnage qu’André Campra (1660-1744). Esprit rebelle, le Provençal entre pourtant dans les ordres en 1672. Quoique rompu à la pratique de la musique sacrée, il voue un amour immodéré au théâtre lyrique, genre où il s’illustre en créant l’opéra-ballet. Mais surtout, Campra impose jusque dans sa musique sacrée une esthétique italianisante, où l’art des solistes éclipse la polyphonie savante. Aussi Campra n’hésite-t-il pas, dans sa Messe de requiem de 1695, à opposer un grand et un petit chœur, outre trois solistes et un orchestre.
L’œuvre de l’Espagnol Tomás Luis de Victoria (vers 1548-1611), lui aussi ecclésiastique, est tout entier voué à la musique sacrée. Ses compositions, tributaires notamment de l’enseignement de Palestrina, se démarquent par une polyphonie souvent austère, mais elles ne dédaignent pas les effets étonnants, pour peu que cela serve le texte. L’Officium defunctorum à six voix, de 1603, assoit durablement sa notoriété. La Missa pro defunctis à quatre voix lui est antérieure, puisqu’elle a été composée en 1583.
On n’attendrait guère d’Hector Berlioz (1803-1869) qu’il déclare : « Si j’étais menacé de voir brûler mon œuvre entier, moins une partition, c’est pour la Messe des morts que je demanderais grâce. » Il est vrai que l’œuvre qui lui est commandée en 1837, à la mémoire des soldats de la révolution de Juillet (1830), est pour l’auteur de la Symphonie fantastique une occasion rêvée. Pendant une heure et demie, près de quatre cent cinquante exécutants sont mobilisés, dont quatre ensembles de cuivres déployés aux quatre coins de la scène. Elle n’en comporte pas moins des moments de grâce éthérée, tel l’Hostias, confié aux voix masculines.
Comme souvent chez John Rutter (né en 1945), le Requiem, achevé en 1985, est prévu pour un effectif modeste : un ensemble de chambre, un chœur à quatre voix et une soprano. Mais rompant avec son parti-pris habituel de transparence, le compositeur anglais n’hésite pas à recourir dans son Introït à une superposition de voix très serrée des voix propre à traduire la détresse.
Puisqu’on doit au Français Charles Gounod (1818-1893) le fameux Air des bijoux de Faust, on serait fondé à penser que l’opéra tient une grande place dans sa carrière. Reste que la musique religieuse l’a aussi beaucoup occupé. Grand Prix de Rome au tournant des années 1840, il profite de son séjour pour étudier la musique de Palestrina. Il signe non moins de trois messes des morts au cours de sa carrière. Il n’assistera pas à la création de la dernière, le Requiem en do majeur de 1891, dont nous présentons ici le Dies iræ.
Le compositeur, pianiste et organiste Camille Saint-Saëns (1835-1921) n’est pas moins polyvalent que son compatriote Charles Gounod. Bien qu’il soit associé au renouveau de la musique sacrée dans la France du xixe siècle – il enseignera à l’école Niedermeyer, qui cherche à combattre l’influence indue de la musique profane et ses débordements dans le domaine religieux –, sa contribution en la matière reste peu connue. Curieusement, son Requiem de 1878 s’affranchit de ces contraintes, en ce qu’il est conçu pour quatre solistes, un chœur à quatre voix, un orchestre, un grand orgue et un orgue d’accompagnement.
L’organiste et compositeur français Maurice Duruflé (1902-1986) pratique quant à lui un art résolument soucieux d’intelligibilité. Il cite volontiers le plain-chant traditionnel et, suivant l’idéal de Palestrina, veille à ce que la polyphonie n’occulte pas le texte. Son Requiem de 1947, peut-être la plus connue de ses œuvres, est dans le droit fil de cette tendance. À l’instar de Fauré, quoique dans une moindre mesure, il privilégie les textes les plus méditatifs de la messe. Ce faisant, il exclut certains des passages les plus terrifiants de la Séquence, mais, en contrepartie, il réintègre des textes qu’avait écartés le concile de Trente, dont In paradisum.