
L’Europe baroque pour choeur
15 mai 2016 | |
15 h 00 min | |
Montréal, Canada | |
Église Saint-Albert-le-Grand des Pères dominicains | |
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Julien Patenaude, Direction musicale
André Lafrance, Direction artistique
Rosalie Asselin, piano
Jean-Michel Grondin, orgue
Conseil d’administration
Yannig Thomas, président
Michèle Larose, vice-présidente
Yves Keller, trésorier
Partie I
Allemagne
1. Missa in Contrapuncto (Johann Kaspar Ferdinand Fischer) (c.1665 – c.1746
Kyrie, Gloria, Credo, Sanctus, Agnus Dei
Espagne
2. Aromatica rosa Americana (José de Nebra) (1702-1768)
3. Serafin que con dulce (Joan Cererols) (1618-1680)
Partie II
Italie
4. Magnificat (Domenico Scarlatti) (1685-1757)
France
Phaéton (Jean-Baptiste Lully) (1632-1687)
5. Prologue « Que les mortels se réjouissent »
6. Acte IV sc. 1 « Sans le Dieu qui vous éclaire »
7. Acte IV sc. 2 « Dans ce Palais, bravez l’Envie »
8. Acte V sc. 7 « Ô Dieu qui lance le tonnerre »
Angleterre
Dido & Aeneas (Henry Purcell) (1659-1695)
9. Acte III «With drooping wings»
The Tempest (Henry Purcell) (1659-1695)
10. Acte II no 2 « Around, around we pace »
11. Acte IV no 18 « No stars again shall hurt you »
Notes de programme
(Dominique boucher (soprano))
L’Europe baroque pour chœur – Musique sacrée et profane
On sait que Haendel et Bach le tenaient en haute estime et s’en sont inspirés. Grâce à lui, la suite pour orchestre avec ouverture a pu se diffuser en Allemagne. L’étude de ses partitions témoigne d’une grande familiarité avec la musique française, au point qu’on a parfois avancé qu’il avait étudié auprès de Jean-Baptiste Lully. Pourtant, le compositeur allemand Johann Caspar Ferdinand Fischer (1656?-1746?) a quasi sombré dans l’oubli. À quoi attribuer cette longue éclipse?
Le sort de Fischer est étroitement lié à celui de la cour du margrave de Baden-Baden. Il en a été le maître de chapelle jusqu’à sa mort, soit pendant cinquante-six ans. Or, la région a beaucoup souffert des guerres de Louis XIV en Allemagne. De plus, un grand incendie en 1942 a détruit de nombreuses partitions de Fischer. Parmi celles qui ont circulé au xviiie siècle, les compositions pour clavier occupent une large place. Mais des travaux récents ont permis d’exhumer notamment une douzaine de messes, difficiles à dater, dont la Missa in contrapuncto, dite aussi messe Nun komm der Heiden Heiland, qui témoigne du grand métier du compositeur.
La réputation de l’Espagnol José de Nebra (1702-1768), quant à elle, repose largement sur sa musique de scène. Ses zarzuelas, forme d’art mêlant chant, musique orchestrale et dialogue, ont assis sa réputation. Par son caractère primesautier, Aromática rosa americana pourrait sembler relever de la zarzuela. Il n’en est rien. On a plutôt affaire ici à un genre singulier, le villancico religieux (il existe aussi des villancicos profanes), qui devait connaître une vogue extraordinaire dans l’Espagne du xviiie siècle et ses possessions coloniales. Pas étonnant, si l’on songe que ces compositions s’inspiraient largement des danses populaires de l’époque. Certains villancicos ont été composés à la gloire de saints. C’est le cas de l’Aromática rosa americana, célébrant Rose de Lima, la toute première sainte du Nouveau Monde.
Le charmant Serafín, con dulce harmonía, autre villancico, marquait quant à lui les fêtes de Noël. Il est du Catalan Joan Cererols (1618-1680). Hélas, la postérité n’a guère été plus tendre pour lui qu’elle ne l’a été pour Fischer. En effet, la plupart des œuvres du bénédictin ont brûlé en 1811 quand l’abbaye de Montserrat, où il était maître de chapelle, a été incendiée par les troupes d’occupation napoléoniennes en Espagne. On le regrettera d’autant que les messes et motets qui nous sont parvenus témoignent qu’on a affaire à un remarquable polyphoniste.
Du Napolitain Domenico Scarlatti (1685-1757), l’histoire a surtout retenu les cinq cent cinquante sonates pour clavecin. Pourtant, la composition de musique sacrée a toujours fait partie de ses attributions, même à Madrid, où a été créé l’essentiel des sonates, d’une stupéfiante variété, qui ont fait sa renommée.
De quand date le Magnificat? Difficile à dire. Certains le font remonter à l’époque où il était à la Cappella Giulia (à partir de 1713), attachée à la basilique Saint-Pierre de Rome. D’autres, le croyant postérieur, supposent qu’il a été composé dans les années 1720, à Lisbonne. La difficulté tient au fait qu’on dispose de fort peu d’indices d’ordre stylistique permettant de dater la composition. Fidèle à l’enseignement de Palestrina, à la fin du xvie siècle, Scarlatti a en effet composé son Magnificat dans le stile antico, à la sobre polyphonie, afin que les paroles puissent être saisies par l’auditeur.
Né à Florence sous le nom de Gian Battista Lulli, le compositeur et violoniste Jean-Baptiste Lully (1632-1687) est arrivé en France à l’âge de treize ans. Quoique d’origine modeste, il a connu une ascension fulgurante, notamment grâce à sa prodigieuse fécondité : opéras, ballets, motets, il est peu de formes où il ne s’est illustré. Mieux, il a su innover en créant un genre, celui de l’ouverture à la française, diffusé par Fischer et repris par Bach dans ses suites pour instruments.
À ses talents de musicien, Lully a joint une faculté inouïe de tisser des collaborations avec les plus grands. Témoin ses ouvertures et intermèdes musicaux composés expressément pour Molière. Au tandem qu’il a formé avec le librettiste Philippe Quinault (1635-1688), on doit la forme proprement française de l’opéra : la tragédie lyrique. Le Phaéton de 1683 en constitue le tout premier exemple. Ses cinq actes, riches en intermèdes musicaux, font la part belle à la danse. Dans ses arias comme dans ses chœurs pleins de fougue, Lully veille à ce que les paroles soient toujours intelligibles pour le spectateur.
Le même souci d’intelligibilité guide le compositeur anglais Henry Purcell (1659-1695). Dido and Æenas (1689), sur un livret de Nahum Tate, est le seul véritable opéra de Purcell. Parce qu’il était destiné à une école de jeunes filles, il demande des effectifs modestes. Aussi le quatuor à cordes soutenu par un clavecin se borne-t-il le plus souvent à doubler les voix. Une telle économie de moyens n’a pas été un frein pour Purcell, qui a su traduire la douleur de Didon expirant dans son aria When I am laid in earth, auquel succèdent aussitôt, en conclusion du troisième et dernier acte, le chœur With drooping wings, à la fois tendre et désolé, et un épilogue instrumental.
The Tempest or the Enchanted Island n’est pas à proprement parler un opéra, mais un mask, ou semi-opéra, forme de théâtre où la musique assure les enchaînements. Purcell est l’un des plus admirables praticiens de cette forme d’art propre à l’Angleterre du xviie siècle, à laquelle appartiennent King Arthur et The Fairy-Queen. Cependant, il n’est pas avéré que la partition de la Tempest soit entièrement de la main de Purcell. Certes, son influence y est manifeste et il est incontestable qu’un air au moins est de lui. Mais on y rencontre des arias da capo à l’italienne qui n’ont pas manqué d’intriguer les musicologues, Purcell n’ayant guère pratiqué cette forme. C’est pourquoi, depuis un demi-siècle, on s’entend généralement pour attribuer l’œuvre essentiellement à l’Anglais John Weldon (1676-1736).