Coups de Choeur 1990-2013
29 novembre 2013 | |
19 h 30 min | |
Montréal, Canada | |
Chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours | |
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Notes de programme
(par Dominique Boucher (soprano))
Coups de chœur 1990-2013
Lorsque, à l’initiative de Louis Charest, Radio-Québec a mis sur pied son Ensemble vocal, en 1990, ses ambitions étaient relativement modestes. Mais quand une formation a à sa tête un pilier de la vie musicale montréalaise, le chef et compositeur Gilbert Patenaude, quand, depuis ses débuts, elle compte dans ses rangs un André Lafrance, insatiable amateur de musiques en tous genres à l’affût de partitions peu ou pas connues, il ne pouvait être question, pour la jeune formation, de ne jamais s’aventurer hors des sentiers battus.
Après quelques années à se frotter aux inusables du chant choral que sont les Mignonne, allons voir si la rose et autres Mon cœur se recommande à vous, l’ensemble allait bientôt s’attaquer à des programmes autrement ambitieux. Témoin le concert de 1996, où figure l’imposant Te Deum de Jean-Baptiste Lully, ou celui de 1997, marqué par la présentation de la méconnue Missa Sancti Francisci de Michael Haydn. Reste que la saison 1997-1998 constitue un tournant. En effet, c’est à ce moment que l’Ensemble vocal de Radio-Québec acquiert son nom actuel : Chœur enharmonique de Montréal. Surtout, il innove avec un concert tout entier consacré aux musiques de compositrices, du Moyen Âge à nos jours, exercice qu’il reprendra en 2010 avec Hymnes à l’amour.
Depuis, le Chœur enharmonique ne craint pas de pratiquer le mélange des genres : motet ou spiritual, cantate ou opéra, lied ou chanson populaire, rien de ce qui est musique ne lui est étranger. Et si certains concerts sont, par leur forme et leur contenu, classiques, d’autres se démarquent par leur thématique et leur conception. Ainsi Ombres et crépuscule de 2003, flot ininterrompu de musiques de toutes époques vouées au thème de la mort. De même, La Terre s’essouffle de 2008 enchaîne en un tout organique chansons et créations liées peu ou prou au thème de l’environnement. Enfin, lorsque, en 2004, le Chœur enharmonique va donner aux choralies de Vaison-la-Romaine un programme entièrement québécois, il ne craint pas d’y inscrire deux œuvres résolument contemporaines : Partance d’André Lafrance et, en création mondiale, l’Ode au Saint-Laurent de Gilbert Patenaude, pour mezzo, chœur et piano, sur le poème de Gatien Lapointe.
Ces audaces, nous les devons d’abord à notre directeur artistique, André Lafrance, qui conçoit pour l’essentiel nos programmes. Encore fallait-il qu’elles reçoivent l’aval de notre chef et directeur musical, Gilbert Patenaude.
De Rameau, le célébrissime Hymne à la nuit? Certes, quoique… Le thème est bien tiré d’Hippolyte et Aricie, opéra de 1733, mais l’harmonisation, de Joseph Noyon (1888-1962), sur un texte du compositeur d’Édouard Sciortino (mort en 1979), est bien postérieure.
À Claudio Monteverdi, maître de l’art du madrigal auquel il a consacré quelque neuf livres, nous empruntons le charmant Quel augellin che canta se dolcemente, typique de sa première manière, où le recours à une traditionnelle polyphonie à cinq voix n’interdit pas une allègre liberté de ton.
La paternité de Venarabilis barba capucinorum, farce irrévérencieuse traditionnellement attribuée à Mozart, est douteuse. D’aucuns prétendent même que la composition, qui consiste à épeler (en latin) « vénérable barbe des capucins », est de Jean-Baptiste Lully, au xviie siècle.
Qui ne connaît Plaisir d’amour, rengaine qui aura traversé tout le siècle dernier? On sait moins que la composition de Jean-Paul-Égide Martini, sur une romance de Jean-Pierre Claris de Florian, date de… 1784.
Les deux premières des Trois chansons de Charles d’Orléans de Claude Debussy et Le pont Mirabeau du Québécois Lionel Daunais sont la démonstration que prosodie française et musique font bon ménage. Si le premier emprunte à un poète (et prince) estimé du xve siècle, le second reprend le poème fameux du poète Guillaume Apollinaire. Par la souplesse de leurs harmonisations, l’un et l’autre excellent à rendre la beauté des textes.
Du grand Gilles Vigneault, nous avons retenu la tendre Chanson de l’eau, trop peu connue, que le chansonnier a gravée sur son disque Les îles de 1987.
Mais de qui est le morceau qui clôt la première partie, que nous avons tous entendu sans pouvoir en nommer les créateurs? Surprise, ce tango-habanera, sur un texte français, est l’œuvre de l’Allemand Kurt Weill, celui-là même qui nous a donné L’opéra de quat’sous. Youkali, du milieu des années trente, est aussi une musique de scène, destinée cette fois à la pièce Marie Galante de Jacques Deval.
En seconde partie, nous avons l’immense plaisir de compter, cette fois encore, sur le concours de la pianiste Mariane Patenaude.
Comme presque toutes les compositions de Vivaldi, le fameux Gloria, dont nous donnons les deux premiers mouvements, est destiné aux pensionnaires de l’Ospedale della Pietà, établissement auquel étaient confiés les enfants trouvés de Venise. Leur éducation musicale, on le devine sans peine, était soignée.
Quant à l’immense Gloria de la Messe luthérienne BWV 235 de Bach, le connaisseur pourra y trouver l’écho de ses cantates. De fait, dans ses messes luthériennes, Bach a repris plusieurs de ses musiques antérieures. Faut-il croire à un bricolage dicté par le manque de temps? Au contraire : le compositeur retravaille des mouvements dont il tire une grande fierté.
Si, en première partie, nous avons (peut-être) eu droit au Mozart facétieux, nous abordons ici, avec Dies iræ, le Mozart par moments dramatique, voire terrible, que révèle le Requiem. Mais de Mozart, nous abordons en outre son versant tendre et enjoué, qui se donne libre cours dans deux de six Nocturnes, pour trio vocal et clarinettes, destinés à des soirées musicales entre amis.
Lorsque, en 2009, nous avons donné le Cantate Domino du Carl Czerny, auteur de redoutables études destinées aux élèves en piano, nous avons émis l’hypothèse qu’il pouvait s’agir d’une création mondiale. Ce n’est en effet que tout récemment qu’un musicologue américain a exhumé des archives nationales d’Autriche cette composition de 1830.
La pianiste, organiste et compositrice Josephine Doherty-Codère est peut-être la moins connue des artistes présentés ici. Elle a pourtant animé sans relâche la vie musicale de Sherbrooke pendant une soixantaine d’années. Outre des chansons en anglais et en français, elle a son actif des œuvres sacrées, dont l’Ave Maria, qui daterait de 1910.
En revanche, ni Verdi, dont on fête cette année le bicentenaire, ni son Va pensiero de Nabucco (1836) n’ont besoin de présentations. Qui ne sait que le chœur des Hébreux a servi d’hymne aux partisans de l’unification de l’Italie, en partie sous occupation autrichienne?
Morte à 25 ans, la Française Lili Boulanger n’aura guère eu le temps de laisser sa marque. Dommage qu’elle ait été emportée si tôt, quand on songe qu’elle a été la première femme à remporter le prix de Rome, à 19 ans. Le spectaculaire Hymne au soleil qui clôt le concert se veut l’évocation d’une cérémonie hindoue.