Choeurs d’opéras
11 juin 2011 | |
20 h 00 min | |
Montréal, Canada | |
Auditorium Le Plateau | |
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Gilbert Patenaude, Direction musicale
André Lafrance, Direction artistique
Ensemble instrumental
Marianne Patenaude, piano
Frédéric Gagnon, trompette
Jean-François Normand, clarinette
Alain Thibault, basson
Conseil d’administration du choeur
Sandrine Ricci, Présidente
Michelle Cantin, Vice-présidente
Michèle Champagne, Trésorière
Yvan Lambert, Conseiller
Michèle Larose, Secrétaire
Choeur d’opéras
Première partie
Camille Sain-Saëns (1835-1921)
Dieu Israël (choeur des Hébreux), Samson et Dalila, acte I, scène I
Richard Wagner (1813-1883)
Treulich geführt (choeur nuptial), Lohengrin, acte III, premier tableau
Wolfang Amadeus Mozart (1756-1791)
Heil sei euch Geweihten, La Flûte enchantée, finale de l’acte II
Giuseppe Verdi (1813-1901)
Va, pensiero (choeur des esclaves juifs), Nabucco, acte III
Giacomo Puccini (1858-1924)
Choeur à bouche fermée, Madama Butterfly, Acte II,
Giuseppe Verdi (1813-1901)
Vedi le fosche notturne (choeur des enclumes), Il Trovatore, acte II, scène I
Claudio Monteverdi (1567-1643)
È la virtute un raggio (chœur des esprits infernaux), L’Orfeo, acte IV
Christoph Willibald Gluck (1714-1787)
Quel est lʼaudacieux, Orphée et Eurydice, Acte II, scène I
Jacques Offenbach (1819-1880)
Belle nuit, ô nuit dʼamour (barcarolle), Les Contes dʼHoffmann, Acte III
Deuxième partie
Ethel Smyth (1855-1944)
Haste to the shore, The Wreckers, acte I, scène I
Richard Wagner (1813-1883)
Beglückt darf nun dich (choeur des vieux pèlerins),Tannhaüser, Acte III
Léo Délibes (1836-1891)
Sous le dôme épais, Lakmé, Acte I
Giuseppe Verdi (1813-1901)
Gloria allʼEgitto (marche triomphale), Aïda, acte II, second tableau
Georges Bizet (1838-1875)
Les voici! Voici la quadrille, Carmen, Acte IV
Alexandre Borodine (1833-1887)
Danses polovtiennes, Le Prince Igor, acte II
Notes de programme
(par Dominique (soprano)
Ah! l’opéra et ses voix immenses, ses contre-ut héroïques, ses vocalises vertigineuses! Quel amateur d’opéra n’a pas attendu cette phrase, ce trait, que dis-je, cette note qui fait vibrer les cœurs et tinter les lustres? À n’en pas douter, de tous les arts de la scène, c’est l’opéra qui aura suscité le vedettariat le plus débridé. Mais l’opéra, ce n’est pas que cela. L’opéra s’est toujours voulu art total, peinture de toutes les tribulations de l’âme humaine. Les passions collectives, les liesses, les mouvements de foule, cela aussi est du ressort de l’opéra. C’est ce pan de l’art lyrique que nous célébrons ce soir.
Il semble que ce soit justement par intérêt pour la musique chorale que le Français Camille Saint-Saëns (1835-1921) a songé, dès 1867, à composer un oratorio axé sur les personnages bibliques de Samson et Dalila. Mais son librettiste, Ferdinand Lemaire, a eu tôt fait de le convaincre que lorsqu’on entend dépeindre une séductrice, Dalila, résolue à détruire Samson et, à travers lui, tout le peuple des Hébreux, un opéra s’impose. Intuition fort juste, puisque, malgré des débuts difficiles, Samson et Dalila est le seul opéra de Saint-Saëns encore monté régulièrement. Si chacun ou presque connaît le fameux Mon cœur s’ouvre à ta voix, l’ouvrage compte de fort beaux chœurs, tel celui qui ouvre l’opéra, Dieu d’Israël, où les Hébreux pleurent l’occupation de la Palestine par les Philistins.
Le fameux chœur nuptial (Treulich geführt) sur lequel s’amorce l’acte III du Lohengrin (créé en 1850), de Richard Wagner (1813-1883), célèbre des temps plus heureux, puisqu’il marque le mariage d’Elsa de Brabant à Lohengrin, chevalier inconnu qui l’a miraculeusement innocentée du meurtre de son propre frère. Bonheur de courte durée, hélas : Elsa ne parviendra pas à tenir le serment par lequel elle s’était engagée à ne pas demander au mystérieux chevalier de révéler son identité.
Avec Heil sei euch Geweihten, qui clôt La Flûte enchantée de Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791), c’est sans réserve qu’on salue le triomphe de la raison et de la vertu sur l’obscurantisme et la tyrannie. On se rappellera que la Flûte repose sur un livret d’Emanuel Schikaneder (1751-1812). Or, comme Mozart, celui-ci est franc-maçon et attaché aux idéaux de fraternité et de tolérance. Mais Schikaneder est aussi directeur d’un théâtre dans les faubourgs de Vienne et a plusieurs succès à son actif. Pas étonnant, donc, que les deux hommes s’unissent pour créer une œuvre destinée aux publics de tous âges et de toutes classes.
Rares sont les chœurs d’opéra qui auront connu une fortune aussi considérable que le Va, pensiero du Nabucco de Giuseppe Verdi (1813-1901), sur un livret de Temistocle Solera (1815-1878). Lorsque l’opéra est créé à la Scala de Milan, en 1842, beaucoup d’Italiens appellent de leurs vœux l’unification de la péninsule, à commencer par Verdi. (Ce sera chose faite en 1870.) Mais à l’époque où Verdi compose Nabucco, Milan gémit sous l’occupation autrichienne. Très vite, les Milanais s’emparent du Va, pensiero. Ils s’identifient passionnément au destin des esclaves juifs exilés à Babylone et reprennent l’air dans les rues. Cet engouement ne se démentira jamais, puisqu’à plusieurs reprises, on envisagera de faire du Va, pensiero l’hymne national italien.
Giacomo Puccini (1858-1924) ne peut se vanter d’avoir eu d’emblée la main aussi heureuse avec Madama Butterfly, sur un livret de Giuseppe Giacosa et Luigi Illica. La création, en février 1904, est un échec. Mais l’œuvre est promptement remaniée, passant de deux à trois actes : c’est le triomphe. Chacun connaît l’histoire de Cio-Cio-San, geisha mariée à quinze ans à un officier de la marine américaine, qui trois ans durant attend son retour aux côtés du fils né de leur union. Le chœur à bouche fermée que nous reprenons ici est un moment charnière. Il assure en effet la transition entre l’acte II, marqué par l’attente, et l’acte III, qui verra l’anéantissement de toutes ses espérances.
Le livret de Salvatore Cammarano et Leone Emanuele Bardere, sur lequel s’appuie Il Trovatore de Verdi, opéra créé en 1853, s’appuie sur la pièce El Trovador (Le troubadour), de l’Espagnol Antonio García Guttíerez, sombre histoire de vengeance fomentée par une gitane dont la mère a jadis été accusée de mauvais œil et brûlée vive. Dans le spectaculaire Vedi le fosche notturne, ou « chœur des enclumes », au début de l’acte II, les gitans s’encouragent mutuellement à se mettre à l’ouvrage.
Le ton ne saurait être plus différent avec le chœur des esprits infernaux È la virtute un raggio de Claudio Monteverdi (1567-1643). L’Orfeo, favola in musica (Orphée, fable en musique), créé en 1607 sur un livret d’Alessandro Striggio (v. 1573-1630), n’est pas l’opéra le plus ancien de l’histoire (Jacopo Peri a précédé Monteverdi), mais avec sa combinaison d’airs, de chants à strophes, de récitatifs, de chœurs et d’interludes instrumentaux, Monteverdi exploite toutes les ressources dramatiques de la musique. Ainsi, il est l’un des tout premiers compositeurs à confier des rôles précis aux instruments et joue puissamment des contrastes.
Sur le même thème, voici Quel est l’audacieux, tiré de l’Orphée et Eurydice de l’Allemand Christoph Willibald Gluck (1714-1787). Quoiqu’il ait été composé à l’origine en italien (version de 1762), l’esthétique de l’opéra est redevable à l’esthétique française en ce qu’elle vise au naturel et à la vérité dramatique. Sur ce plan, Gluck rompt résolument avec l’opéra italien de l’époque, éprise de virtuosité pure. C’est bien entendu de la version française de 1774 (due à la plume de Pierre-Louis Moline, 1740-1820) que nous avons extrait le chœur où les esprits infernaux entendent barrer la route à Orphée, venu arracher Eurydice à la mort.
Peut-on rêver plus « français » que le pétillant et parfois cynique Jacques Offenbach (1819-1880)? Le French cancan, à l’acte II d’Orphée aux enfers (décidément), c’est lui! Et pourtant! Offenbach est né à Cologne, en Allemagne, et est fils de cantor (chantre à la synagogue). Le jeune Jacob se révélant un violoncelliste doué, son père l’envoie étudier à Paris. Ses opéras-bouffes amusent follement. Pour cette raison même, il ne jouira pas de la consécration dont il rêvait. Les contes d’Hoffmann, sur un livret de Jules Barbier, la lui apportent, certes, mais l’année suivant sa mort. (Guiraud mettra la touche finale à l’orchestration.) La séduisante barcarolle pour soprano, mezzo et chœur, quant à elle, a été composée dès 1854.
Ce n’est pas la première fois que nous mettons au programme la compositrice anglaise Ethel Smyth (1858-1944), à qui l’on doit notamment six opéras. The Wreckers (Les naufrageurs) est le troisième opéra de Smyth, à l’origine sur un livret en français de Henry Brewster, langue qui, pensait la compositrice, devait lui ouvrir les portes des grandes maisons d’opéra. Espoir déçu : l’ouvrage sera plutôt créé dans une traduction allemande en 1906, à Leipzig, où il connaîtra d’ailleurs une réception critique favorable. L’action se déroule aux Cornouailles, au xixe siècle, époque où les villageois considéraient traditionnellement la cargaison des navires échoués comme leur, en compensation de leur vie difficile et isolée.
Créé en 1845, le Tannhäuser de Wagner est un « grand opéra romantique en trois actes », le second des dix « grands » opéras de Wagner. S’attachant à un thème qui traverse tout l’œuvre du compositeur, Tannhaüser oppose amours sacré et profane et chante le pouvoir rédempteur de l’amour. Le personnage éponyme, en effet, s’arrache aux bras de Vénus, lui assurant que son salut lui viendra de Marie. L’amour d’Élisabeth, fille de son seigneur, devrait être pour Tannhäuser un puissant auxiliaire, mais celui-ci persiste à chanter le plaisir des sens, au scandale de ses semblables. Seul un pèlerinage à Rome peut lui valoir le pardon de ses péchés. Le chœur des pèlerins rentrant au pays, apaisés et sereins, Beglückt darf nun dich, figure à l’acte III. Hélas, Tannhäuser n’est pas du nombre.
Lakmé, opéra en trois actes de Léo Delibes (1836-1891), composé en 1881-1882, repose sur un livret d’Edmond Gondinet et Philippe Gille, d’après une nouvelle de Pierre Loti. Il raconte l’amour impossible entre une fille de brahmane et un officier de l’occupation britannique en Inde. Le charmant duo du premier acte Sous le dôme épais, entre Lakmé et sa servante Mallika, est incontestablement l’un des morceaux les plus connus de l’opéra.
Mais retrouvons Giuseppe Verdi, avec Gloria all’Egitto, marche triomphale de l’acte II, second tableau, d’Aïda. Cet opéra en quatre actes sur un livret versifié en italien par Antonio Ghislanzoni, est d’abord écrit en français, puisque c’est l’archéologue Auguste-Édouard Mariette qui veille à ce que le spectacle soit aussi conforme que possible à ce qu’on sait alors de l’Égypte ancienne. En effet, rigueur et faste sont de saison, pour cet opéra créé en 1871 à l’Opéra Khédival du Caire lors des fêtes d’inauguration du canal de Suez.
Les voici! Voici la quadrille! à l’acte IV de Carmen de Georges Bizet (1838-1875), s’il n’est pas aussi solennel, n’est pas moins ardent. En ce début d’acte IV, la foule réserve un accueil enthousiaste à tous les participants de la corrida qui se prépare. On sait que le livret d’Henri Meilhac et Ludovic Halévy, d’après la nouvelle du même nom de Prosper Mérimée (1803-1870), relate le destin d’une gitane andalouse tombant amoureuse de Don José, brigadier qui quitte tout pour elle. Mais Carmen est libre, elle reporte bientôt son amour sur le torero Escamillo. Don José ne le supportera pas.
Concluons de brillante façon avec les Danses polotsviennes, pièce maîtresse de l’acte II du Prince Igor du Russe Alexandre Borodine (1833-1887), remarquable par l’alternance des danses attendries des jeunes filles se remémorant le pays perdu et celles, fougueuses, des jeunes garçons. L’opéra s’appuie sur Le dit du prince Igor, épopée médiévale racontant la campagne contre l’invasion des tribus polotsviennes en 1185. Chimiste de formation, Borodine en est réduit à composer durant ses temps libres ou lorsque son état de santé l’oblige à prendre congé. Le prince Igor est un ouvrage ambitieux dont la composition s’étale sur de nombreuses années. On ne s’étonnera donc pas que l’opéra soit demeuré inachevé. Il sera heureusement complété par Rimsky-Korsakov et Glazounov.